Sans doute, nous sommes en face d’une fenêtre qui nous permet de voir et d’entendre la joie de la foule bien que l’endroit d’où nous observons reste dans un silence absolu.

Rester un instant devant une oeuvre de Claude Monet et écouter ce que le tableau veut nous dire est l’un des expériences les plus uniques qui nous fait voyager à travers l’histoire. Voilà les couleurs vives et la profusion de drapeaux français qui font ressortir avec force l’atmosphère festive d’une journée qui a marqué le début d’une nouvelle époque. Les trois couleurs que Monet fait vibrer sont celles de la France moderne…

“La Rue Montorgueil à Paris” est un tableau bien connu qui est exposée dans le musée d’Orsay à Paris. Cette peinture est un huile sur toile de 81 x 50 cm et elle est souvent vue comme la célébration du 14 juillet mais, en fait, elle est exécutée le 30 juin 1878 par le peintre impressionniste Claude Monet (1840-1926) à l’occasion de la Fête Nationale et de la clôture de l’Exposition Universelle, célébrant «la paix et le travail» décrétée cette année-là par le gouvernement.

Ce tableau nous offre une visión distanciée d’une paysage urbain par un peintre qui l’observe d’une fenêtre et ne se mêle pas à la foule.

Claude Monet réalise cette oeuvre alors qu’il se promenait à Paris à la recherche de motifs à peindre. Il était revenu dans la capitale à Paris pour la naissance de son fils Michel et préoccupé par l’état de santé de la mère de celui-ci. Depuis le debut Monet montre de l’intérêt et l’attirance du peintre pour les drapeaux flottant au vent. Ce sont les mots qu’il dit lui-même:

“J’aimais les drapeaux. La première fête nationale du 30 juin, je me promenais rue Montorgueil avec mes instruments de travail; la rue était très pavoisée avec un monde fou. J’avise un balcon, je monte et demande la permission de peindre, elle m’est accordée. Puis je redescends incognito ! “

À l’occasion de la troisième Exposition universelle parisienne ont eu lieu une série de célébrations qui cherchèrent à symboliser le redressement de la France après la débâcle de 1870. Le 30 juin 1878 est une manifestation d’enthousiasme national d’autant plus que l’occasion de renforcer le régime républicain en place après les grands affrontements de 1876-1877 entre ses partisans et les conservateurs. Ce n’est que deux ans plus tard, en 1880, que le 14 juillet devient le jour de la fête nationale française.

Comme une curiosité, nous pouvons dire que cette tableau a une jumelle qui est exposée dans le musée des Beaux-arts à Rouen. Cette toile est “La Rue Mosnier aux drapeaux”, un tableau d’Édouard Manet réalisé sur le même sujet, le même jour mais beaucoup plus mélancolique.

Le musée d’Orsay nous explique que la technique impressionniste utilisée avec sa multitude de petites touches colorées suggère l’animation de la foule et le flottement des drapeaux. C’est ce qui permet d’estimer qu’elle s’accorde parfaitement avec la représentation du «moment républicain» qui marque l’émergence d’une société démocratique et son enracinement dans la France contemporaine. Avec ce tableau, Monet révèle un aspect caché de la modernité, dans le même temps qu’il fait presque oeuvre de «reporter».